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note liminaire
de l'Hommage à Ngô Van
de la PETITE BIBLIOTHÈQUE EN MAL D'AURORE

L'un des protagonistes de l'histoire du XXe siècle, non celle qu'arrangent au gré des modes les thuriféraires à toute plume stipendiée, style Bourseiller *, mais de l'histoire que les puissants ne pardonnent pas, celle de l'émancipation des hommes, Ngo Van Xuyet, a rejoint ses ancêtres à l'orée de la nouvelle année occidentale, donc vers la fin de l'année du singe.

Cet homme délicieux était un irréductible ami; ce fils de paysan portait en lui une noblesse sans égale; ce vieux monsieur tout en intelligence avait été dans sa jeunesse un bouillant révolutionnaire, pourchassé par la puissance coloniale avant d'être traqué par le nouveau pouvoir stalinien du Vietnam. Cet exilé travailla trente ans en usine tout en préparant une thèse sur l'histoire des religions en Extrême-Orient. Max Kaltenmark a d'ailleurs salué son « travail considérable de recherche et de réflexion » pour s'inscrire dans le droit-fil des études de Marcel Granet : publié aux PUF en 1976, Divination, magie et politique dans la Chine ancienne, de Ngo Van, a été réédité en 2002 chez You-Feng.

Mais c'est le compagnon indéfectible de Maximilien Rubel, à qui il avait consacré un vibrant hommage (1954-1996 : une amitié, une lutte) et l'infatigable lutteur qui font qu'il ne peut nous quitter, et qu'il nous accompagne d'une autre façon. Ngo Van souffrait d'une maladie que les temps modernes n'ont qu'une manière de soigner, la plus terrible : l'amputation. C'était le goût de la liberté.

Qui sait d'ailleurs si le dernier souffle de notre ami, rêvant comme Tchouang-tseu qu'il était papillon, n'a pas provoqué à l'autre bout du continent le terrible séisme de ces derniers jours...

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* Pierre Sommermeyer et Freddy Gomez (« L'"ultra-gauche", histoire et confusion ») et Enrique Escobar (« Christophe Bourseiller et les "sociaux-barbares") ont dans le n° 16 de À contretemps (mars 2004) remis à sa place cet étrange M. Bourseiller, et Daniel Blanchard a critiqué sa « superficialité confinant la sottise », voire un peu davantage, dans le n° 1 de "La Question sociale" (printemps-été 2004).