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Viêtnam 1997



Le Dôi moi - « changer pour faire du neuf »

Le changement du capitalisme d'État bureaucratique en « socialisme de marché » au Viêt nam, comme en Russie et en Chine garde intacts les pouvoirs et privilèges de la bureaucratie dominante en renforçant l'exploitation. Ce qu'il y a de nouveau pour la population, après un demi-siècle de confiscation du pouvoir par Hô chi Minh et ses partisans, c'est la remise en vigueur du régime du travail obligatoire instauré par l'impérialisme français vers la fin du siècle dernier.

Hanoi, 8 avril 1997. Des millions de Viêtnamiens doivent être mobilisés pour des grands travaux d'infrastructure obligatoires, a indiqué le chef du Parti communiste Do Muoi, cité vendredi 4 avril par la presse. « Au Viêt nam, tout se fait grâce au peuple et il est dans l'obligation de la jeunesse de participer volontairement à la construction du pays », écrit le Nhân Dân, organe du PCV. Selon de bonnes sources, les députés devraient prochainement examiner un projet de loi selon lequel tout citoyen - âgé de 18 à 45 ans pour les hommes et de 18 à 40 ans pour les femmes - serait tenu de fournir dix jours de travail gratuit à l'État. Cette mobilisation coercitive pourrait permettre de réaliser de grands projets jugés prioritaires (routes, raffineries, centrales électriques, reforestation) (AFP).


« La population est trahie. Cela est clair. La révolution de libération nationale s'était brillamment achevée par la substitution des maîtres jaunes aux maîtres blancs. La différence réside dans la manière d'administrer des nouveaux maîtres, beaucoup plus raffinée que celle des anciens maîtres », dénonce Vu thu Hiên, un enfant du régime, dans La nuit en plein jour *.

La politique dite d'ouverture permet à l'oligarchie de Hanoi de coopérer avec les investisseurs capitalistes étrangers et de partager avec eux les profits. Ainsi le pays « indépendant » s'est ouvert au nouvel impérialisme économique, en un immense marché pour ses produits industriels, une réserve abondante de main-d'oeuvre à bon marché et lui offre une riche source de matières premières.

Dans les joint-ventures, les domaines des Japonais, Américains, Français et Russes. ce sont le pétrole et le gaz off shore. Les Sud- Coréens se spécialisent plutôt dans les travaux publics de construction des routes, ponts, ainsi que dans l'industrie légère : chaussures, vêtements. Les marchands de Taïwan et les chevaliers d'industrie de Hô ngkong spéculent dans l'immobilier. Les Japonais monopolisent en quelque sorte le marché des photos, télévisions, computers. Plus d'un million de motos Hô nda japonaises suffoquent Saigon. Les Singapouriens occupent le premier rang dans l'importation au Viêt nam. Des usines américaines de Coca-Cola apparaissent en pleine rizière depuis la levée de l'embargo américain en 1994 et la normalisation des relations avec Hanoi en juillet 1995. Les Américains occupent le sixième rang parmi les investisseurs.

La condition ouvrière

Cinq compagnies coréennes et taïwanaises, sous-traitantes de la firme américaine de chaussures et vêtements US Nike Inc., établies dans la région de Saigon, emploient plus de 24 000 ouvriers dont la plupart sont de jeunes femmes de 18 à 25 ans.
La fabrique coréenne de chaussures Sam Yang Co. à Cu chi exploite 6 000 salariés. Une ouvrière nous a raconté qu'elle travaille de 5 heures à 14 heures avec arrêt d'une demi-heure pour le repas à la cantine. Le repas coûte 3 000 dông (1F50), l'ouvrier en paie 1 000. Lorsqu'il y a des heures supplémentaires à faire, on ne quitte la fabrique qu'à 16 heures. Ça fait des journées de travail de 9 à 11 heures. pour un salaire mensuel moyen d'environ 40 dollars. La semaine de travail est de 6 jours, mais en cas de besoin pour atteindre les objectifs de production, la direction exige des heures de travail en plus, avec paiement supplémentaire.
Dans la journée de travail, rapporte Viêt nam Labour Watch , les ouvriers n'ont le droit de se rendre aux toilettes qu'une fois et de se désaltérer deux fois seulement. Les sévices physiques, insultes, ne sont pas rares. Pour empêcher les ouvrières de bavarder pendant le travail, il arrive le surveillant leur colle des bandes adhésives sur la bouche. Les surveillants n'échappent pas non plus aux coups assénés par les directeurs.

Les esclaves de Sam yang ignorent qu'à Djakarta en Indonésie, fin avril, les dix mille employés du sous-traitant de Nike, PT Antaya Aneka, en grève, ont saccagé les bureaux de l'entreprise et incendié deux voitures. Ils ont obtenu une augmentation de salaire (Le Monde 24 juin 1997).

Hanoi, (AP) 26 avril 1997. Environ 3000 ouvriers d'une fabrique de chaussures Nike dans le Sud ont mis fin le samedi à leur cessation de travail d'une journée pour réclamer une augmentation de salaire et de meilleures conditions de travail Ce fut la plus grande grève dans l'histoire récente du pays.

L'action ouvrière fut encore un casse-tête pour la firme américaine de chaussures et vêtements US Nike Inc. qui a à faire face à des problèmes croissants de ses fabriques sous-traitantes au Viêt nam. Des militants ouvriers disent que dans les fabriques Nike au Viêt nam, on harcèle sexuellement des ouvrières et pratique des punitions corporelles pour se faire obéir.

Les ouvriers de la fabrique sud-coréenne Sam Yang Co. réclament un plus haut salaire, une meilleure sécurité dans le travail, plus de jours de congé et une prime pour le nouvel an lunaire Viêtnamien. Les ouvriers ont quitté ensemble le travail lorsqu'ils ont été forcés de signer un nouveau contrat de travail. Selon une enquête officielle sur ce mouvement de protestation, les employeurs ont demandé un à un des ouvriers de signer un astreignant nouveau contrat sous peine d'être renvoyé sur le champ. C'est la deuxième grève en moins d'un mois qui a temporairement stoppé la production dans la fabrique Nike's Sam yang.

En mars 1997 encore, au moins 250 ouvriers viets ont quitté le travail pour protester contre les conditions de travail et les bas salaires.

À présent, les ouvriers de chez Sam yang gagnent environ 40 dollars par mois, bien au-dessus de la moyenne nationale.

Un second sous-traitant de Nike, la taïwanaise Pou Chen Viêt nam Enterprise Ltd fut poursuivie pour abus physiques sur les ouvrières de sa fabrique. Par exemple, un contremaître de Pou Chen forçait 56 ouvrières à courir sur piste autour de l'usine pour les punir d'avoir porté des chaussures non réglementaires. La presse viet de l'époque a relaté que 12 parmi elles, défaillantes, furent transportées à l'hôpital.

En juin 1997, Sam yang licencie 447 ouvriers, sous prétexte qu'ils n'ont pas signé de contrat. La firme s'est-elle appuyée sur l'article 25 de la loi de novembre 1996 concernant les investisseurs étrangers, stipulant que « les droits et obligations des employés travaillant dans les entreprises à capitaux étrangers sont garantis par des contrats de travail » ?

Le patronat foule aux pieds la journée de huit heures. Chez Ree young, ­ la fabrique coréenne de sacs de voyage en similicuir, située à proximité de l'aéroport de Tân son nhut, à Saigon ­, les 617 ouvriers, la plupart des femmes venues du delta du Mékong. doivent faire des journées de douze heures d'affilée les lundi, mercredi et vendredi, pour un salaire mensuel de 35 dollars, le minimum en vigueur dans les entreprises à capitaux étrangers. A la veille du Têt, (Jour de l'an viet, février 1996), en protestation générale contre les heures supplémentaires exigées par la direction. ils ont cessé le travail et se sont barricadés dans l'usine. Malgré l'intervention des médiateurs de la Confédération syndicale et du ministère du travail, les ouvriers n'ont repris le travail qu'après le recul de la direction.

D'après le Viêtnam Economic Times de mai 1997, sur 63 grèves en 1995-96, 27 concernent les entreprises d'État ou privées Viêtnamiennes. En réalité, d'après les sources indépendantes, quelque 200 grèves sauvages s'étaient déclenchées pendant cette période, sans l'aval de la Confédération du Travail sous le contrôle du PCV. Le syndicat officiel a enregistré 24 grèves dans les fabriques contrôlées par les étrangers, pendant le premier semestre de 1997.

Les entreprises d'État sont moins touchées parce que la discipline et les horaires sont beaucoup plus souples, pratiques héritées du temps de l'économie planifiée.
Le code du travail promulgué en 1995, légalise le droit de grève, inexistant dans la constitution « socialiste ». Mais les ouvriers ne peuvent déclencher une grève qu'avec l'accord des représentants syndicaux qui se prononcent par un vote à bulletins secrets, et qu'à condition que l'arrêt du travail ne compromette pas la bonne marche des entreprises publiques! Mais on sait que les syndicalistes officiels ont pour mission de désamorcer les conflits sociaux par la médiation. « Les ouvriers ont des revendications, dit Lê van Hông, vice-président de la Confédération du Travail de Hô chi Minh-ville à l'envoyé de Libération, (17 mai 1996), mais les investisseurs ont, eux aussi, leurs droits. Dans l'intérêt de tous, chaque partie doit accepter de faire des concessions. Avec un salaire minimum de 35 dollars, le Viêt nam est déjà moins compétitif que la Chine ou la Birmanie ».

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* Dêm giua ban ngày en Viêtnamien, paru en Californie, USA en 1997. L'auteur, ­ fils de Vu dinh Hùynh, secrétaire particulier de Hô chi Minh, à travers les souvenirs de ses 9 ans de prison (1967-1976) sans jugement, sous présomption de crime d'«antiparti et de révisionnisme», ­ nous livre une histoire véridique du Viêt nam dit socialiste sous la botte de l'oligarchie dominante observée de l'intérieur.

À suivre...          

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